Le danger de la culture marketing digital pour les entreprises notamment dans le monde du retail
Quand la culture digital marketing, alias data marketing, prend la main, souvent inconsciemment, sur la culture data de l’entreprise même si elle n’existe pas encore en tant que telle, c’est très souvent le meilleur chemin vers un crash … Beaucoup d’entreprises en ont souffert et continuent à en souffrir. En revanche ça fait les affaires de nombreux acteurs champions des mots data, clients, IA et notamment les champions de l’exploitation des données personnelles. En effet, proposer des solutions rapides et centrées sur le client avec un marketing et des phrases de type: « Être data centrique c’est mettre le client au centre » est selon moi le chemin le plus rapide vers la catastrophe. La data est un sujet et le client en est un autre. Il s’agit bien de deux sujets qui doivent être totalement décorrélés pour leur approche. Ça ne veut pas dire qu’il n’y aura pas des corrélations profitables par la suite, mais ça veut dire qu’ils doivent être approchés par deux prismes totalement différents.
–Le sujet Data doit s’inscrire dans une stratégie d’architecture et d’urbanisation du système d’information. Il sera donc lié au business modèle de l’entreprise et à son organisation.
–Le sujet client est lié à la stratégie d’engagement par la marque de son audience et en premier lieu la définition de celle-ci.
La data doit être l’incarnation d’une architecture et l’architecture l’incarnation d’un business model
Une réflexion responsable portera d’abord sur l’évolution de l’architecture du business model et sur sa synchronisation avec l’architecture de l’organisation en incluant son sous-jacent, le système d’information. Une réflexion rendue plus que nécessaire du fait de l’évolution de l’environnement économique, social, politique et naturellement technologique.
Aujourd’hui l’élément le plus stable de l’entreprise est probablement sa mission. C’est d’ailleurs certainement pour cela que l’on assiste depuis quelques mois à la course à la mission dans de nombreuses entreprises. La mission, en d’autres termes sa raison d’être soit en anglais soit le why, est généralement suivie très rapidement de son modèle d’exécution, soit son business modèle, le what en anglais. C’est lors de cette étape que l’on définit son architecture, alias ses murs porteurs, et donc les modèles de données à mettre en œuvre.
Le sujet data est donc stratégique car il doit porter la stratégie d’exécution de la mission
Cette étape franchie on attaque alors le comment, le How, et on construit des solutions pour répondre à des problèmes de plus en plus variés avec des durées de vie parfois très courtes. Bref une stratégie de cloisons flottantes qui ne durent que le temps d’une saison.
Un modèle de pilotage par la donnée n’a de sens que si la donnée incarne et porte le business model
Illustration: Le mieux manger peut-être une mission. Si le business model possible est la distribution, la data et par exemple le PIM (Product Information Manager) portera sur le flux produit ( capacité à livrer, stockage, …) principalement. Si le business model est plutôt orienté commerce la data du PIM portera sur des recommandations. Et si le business modèle est la production nous aurons des données, lieux de productions, type de culture, … dans le PIM.
Être orienté client ou client centrique n’est pas un business modèle, mais un élément d’exécution d’un business model. Et plus globalement c’est signifier que le client intègre la chaine de valeur en mode lecture/écriture donc comme acteur alors que très longtemps il n’était qu’une cible parfois formatée par le marché. Sujet que j’aborderai dans un autre papier.
Doit-on s’occuper de ses clients avant de s’occuper de ses produits, collaborateurs, … ? L’enjeux n’est pas d’être centrique mais d’avoir une chaine de valeur équilibrée entre chacune des parties prenantes pour rendre le business model efficace et donc que tous les acteurs y gagnent. Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas pouvoir avoir des vues centrées sur chacun des éléments de la chaine, comme le client, mais ce n’est qu’une vue.
Et là encore la force de conviction sur la mission de chacun sera un élément fédérateur pour que tous les acteurs de la chaine trouvent leur bonne place dans celle-ci. L’enjeux est véritablement de penser en mode graphe, c’est-à-dire nœuds (plate-forme) et écosystème. On quitte l’économie linéaire avec le client comme cible.
Quelle est l’origine du holdup de la donnée d’entreprises par le marketing ? : « Être data centrique c’est mettre le client au centre ».
Mon analyse est que les premiers acteurs de l’entreprise à avoir à manipuler des données en volume en vélocité et à le faire savoir grâce à un écho de l’environnement favorisé par les géants de l’exploitation de la donnée personnelle se trouvent dans les équipes marketing. En d’autres termes les géants du marketing digitale comme Google et bien d’autres au début, ont développé et alimenté cet écosystème qui effectivement peut avoir un impact significatif sur le recrutement de clients pour les entreprises. Cette explosion de la donnée marketing a naturellement mis en avant les responsables marketing ou experts du sujet. Et sous la pression de développer une « transformation digitale » les entreprises se sont naturellement tournées vers ceux-ci et les ont fait Chef Data Officer ou Chief Digital Officer. Fort de cette mise en avant les dirigeants ont pu se targuer de « travailler sur leur digitale transformation grâce à une data-driven stratégie pour mettre le client au centre »… Et donc globalement pas de réflexion sur la transformation, l’évolution du business model et de l’organisation, et avec le digital, la data, totalement décorrélés du core business. Toujours dans ce mouvement de nombreuses associations, clubs se sont créés et continuent à se développer en ciblant les dirigeants en présentant la data et globalement le digital sous ce prisme client, marketing centrique.
« Notre digitale transformation consiste à mettre le client au centre et à piloter nos initiatives grâce à la donnée relative à celui-ci! »
La parole à un leader: Nous sommes les leaders mondiaux du digital marketing et donc dans l’exploitation des données clients. Nous allons aider notre interlocuteur généralement votre directeur marketing, à vous initier au sujet pour que vous puissiez vous afficher comme des champions du digital. Et nous allons même former vos dirigeants à notre outil d’exploitation de données. Un outil très insuffisant pour gérer la donnée de l’entreprise mais suffisant pour l’exploitation de la donnée client, c’est moi qui le rajoute ce point :-). Et du fait de notre relation, si vous avez besoin d’une IA nous pouvons nous en charger, sur un modèle œuf bacon mais ça on le garde entre nous.
Résultat: l’entreprise a formé son principal concurrent, l’entreprise n’a pas de business model aligné à son infrastructure de données et donc ne peut améliorer la réponse à l’injonction contradictoire que nous cherchons tous à résoudre: améliorer sa prévisibilité(coût, revenu, sécurité, … ) et en même temps son agilité(nouveaux services, nouvelles technos, nouveaux comportements, …)
Heureusement, depuis quelques mois j’assiste à un retour en force d’experts de l’architecture d’entreprise, des systèmes d’information, dans le rôle de Chief Data Officer ou Chief Digital Officer.
Donc vive le digital marketing, vive les modèles data-driven, vive les data, vive les clients, et surtout vive l’entreprise avec un socle solide en matière de digital. On ne peut avoir de grandes ambitions sans un socle solide et aujourd’hui ce socle est digital et bien sûr humain. Il serait temps de revenir à l’essentiel!