Résumé:
Historiquement, les distributeurs et les commerçants se sont pour la plus part toujours focalisés sur la composante avale de leur métier: la vente du produit. La composante amont, la capture de l’intention, étant d’une part portée par la publicité et d’autre part induite par le local. Pour qu’une publicité induise une action d’achat, il fallait qu’elle soit locale à proximité immédiate du point de vente. Aujourd’hui le jeu a changé avec le développement du digital. La capture de l’intention, en amont, a pris un poids prépondérant, toute publicité peut induire immédiatement un achat, et pourtant elle n’apparaît pas le plus souvent dans le champ de compétitions des retailers, tout au moins en France. Les acteurs de la publicité et de l’acquisition de par leur capacité d’orientation des parcours clients, ne seraient-ils pas aujourd’hui devenus des concurrents amonts? Quel retailer considère Google comme son premier compétiteur? C’est tout à fait étonnant…
Je vous propose dans ce post de réfléchir à ce sujet.Une réflexion, je suis preneur de vos avis. Merci!
Concurrence Amont, Concurrence Avale
La concurrence avale concerne la vente et parfois la livraison. Historiquement, c’est sur ce périmètre que se livrent les batailles. C’est sur ce périmètre, d’abord la vente de livres qu’a émergé Amazon avec l’ensemble des acteurs de l’ecommerce, ou plutôt devrions nous dire edistribution. En effet l’activité amenée par le digital consiste généralement à trouver un article que l’on cherche, l’acheter puis le livrer. Pas grand-chose à voir avec le commerce qui consiste d’abord en un échange social pour trouver une solution à un problème identifié par des produits. Devant la part de marché prise par Amazon, c’est tout naturellement que l’ensemble du secteur s’est développé ces dernières années en se positionnant par rapport à son activité. La phrase qui revient généralement est: est-ce que le ecommerce va tuer les points de ventes, les enseignes, … ? Bref l’immense majorité des discussions et spéculations portent sur cette concurrence avale.
En revanche, qui parle de la concurrence amont? La concurrence amont se rapporte au marché amont et peut-être définie par la capture de l’intention. Celui qui arrive à capturer, voire faire émerger, l’intention, prend un très net avantage pour router vers la suite et donc l’aval. Pour être efficace dans la capture de l’intention il faut être à tout moment proche de l’utilisateur, sous son pouce, dans ses déplacements, et connaitre ses habitudes et probablement être en capacité de connaitre ses déclencheurs … Certains prétendent savoir ce que l’on va faire avant qu’on le fasse grâce à l’analyse prédictive … C’est leur ambition, leur business. Il est clair que le leader sur ce marché est Google, la majeure partie de son revenu repose sur ce positionnement.
Pourquoi parle-t-on si peu de la concurrence Amont?
Probablement que les anciens du retail, et je dis ça avec tout le respect qu’ils méritent, ont encore du mal à comprendre l’impact du digital sur leur secteur. Une partie de plus en plus importante de la population pilote son quotidien grâce à son smartphone. Le rôle du smartphone devient si prégnant chez certains que l’on peut même se demander si ce n’est pas celui-ci qui pilote son propriétaire. En tout état de cause le smartphone et ses applications associées sont aujourd’hui le premier acteur de ce marché amont et donc le premier levier de concurrence amont. La concurrence amont se caractérise notamment par le marché de la publicité mais pas uniquement. Et cette publicité est directive contrairement au passé, car elle conduit directement sur le lieu de vente.
Les Champions du digital ont bien compris cet enjeu
Amazon, leader digital de l’aval, se trouvant quelque peu en situation d’échec par exemple sur les produits frais ou face à des concurrents qui se sont musclés comme Walmart cherche à se déplacer sur l’amont. Cela se caractérise par un investissement massif sur les assistants de proximité ou sur la monétisation de son trafic à des annonceurs. Amazon va donc chercher Google sur ce marché de l’intention… et en parallèle, parce que l’intention sur l’alimentaire est la plus valorisable, Google a lancé GoogleExpress. … Bref la compétition sur l’amont est forte et pourtant …
Certains feignent de l’ignorer?
Et si la vraie la compétition était maintenant sur l’amont?
Les enseignes, marques, retailers jonglent avec l’aval par exemple en proposant des produits différents par canaux, ou en refusant d’utiliser les technologies Amazon. Mais que font-ils avec l’amont? Que font-ils pour se libérer de l’étreinte d’un leader en position de force?
J’ai identifié quatre réactions:
- Je vais faire sans, en proposant une marque si forte que le client n’aura nul besoin d’artifice pour venir à ma rencontre. Ma culture sera si rayonnante qu’elle suffira pour faire venir. Les marques de types DNVB se sont bâtis sur cette approche, mais elles ne sont pas les seules.
- Je vais m’inscrire dans une relation de flux avec mon client: abonnements, services proactifs, programme de fidélité, … c’est compliqué et le client est volage mais ça marche plutôt bien dans des enseignes type Yves Rocher.
- Je me jette dans les bras de mon concurrent amont principal. Il connait mieux que moi les habitudes de consommation, il a des algorithmes éprouvés, et je suis même prêt à le former pour qu’il soit encore meilleur dans la capture de l’intention. Je sais que je vais augmenter ma dépendance et le former sur mon savoir-faire mais en attendant mes résultats sont au vert et bon, après moi le déluge… et je vais peut-être passer sur BFM 🙂
- Je m’attaque directement au marché de l’intention. Cette approche nécessite des investissements importants mais c’est un incontournable pour les grands du retail. Ce mouvement se constate surtout aux US avec des acteurs comme Kroger, Walmart, Walgreen, … En utilisant différentes stratégies et parfois en sortant des modèles type Google Express ils reprennent la main sur l’intention notamment en équipant leurs points de vente lien.
Conclusion: Google ne serait-il pas autant un concurrent qu’Amazon pour beaucoup de retailers? Tous ne l’ont pas encore identifié en tant que tel notamment car ils n’ont probablement pas encore pris conscience de la compétition sur l’intention. En parallèle les retailers, je l’ai souvent constaté, sous estiment très souvent la valeur des données de consommation qu’ils pouvaient collecter en simplement observant leurs consommateurs sur les points de vente physiques ou digitaux. Et donc avant que la fenêtre ne se referme, Google ne se dépêcherait-il pas d’aller à leurs conquêtes et ainsi essayer de garder la main face à Amazon qui vient très fort sur le marché de la publicité et donc de l’amont. L’objectif pour Google est probablement d’entraîner au plus vite ses intelligences artificielles sur les sujets de consommation. Certains l’ont bien compris, ces derniers mois aux Etats-Unis, soit en se retirant de Google Express comme Walmart, soit en déployant leur propre solution de marketing ciblé sur lieu de vente comme Kroger.
Comm dab, preneur de vos commentaires, c’est juste une réflexion, merci!
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En tous points d’accord. Pour renforcer l’importance de la maîtrise de l’amont dans sa stratégie pour les distributeurs proposant majoritairement des produits d’industriels tiers : les marges se font de plus en plus sur le trade marketing / la régie média (ie. Amazon Advertising, 3w.relevanC, Fnac Retaillink, …) et pas sur le core-business.