Réflexion sur les points de vente

Pour rentrer directement dans le vif du sujet, demain le consommateur ne fera l’effort d’aller dans un point de vente que si il est sûr d’y rencontrer quelqu’un d’heureux et épanoui et/ou un système fonctionnant parfaitement pour répondre à son attente. Ces deux éléments concourants bien sûr à la satisfaction première du client qui repose dans le fait de trouver ce qu’il est venu chercher.

En effet, la première des expériences, suivant différentes études, attendue par le client est de trouver ce qu’il est venu chercher. Se pose donc la question qu’est-ce que le client a compris qu’il pourrait trouver ?  Au-delà de toutes les propositions à la mode customer centric, connaissance à 360 degrés du client, et cetera et cetera, le premier objectif doit être d’être sûr que le client va trouver ce qu’il avait compris qu’il trouverait, ni moins et peut-être plus, en faisant l’effort de venir à votre rencontre.

Ce document ne vise pas à vous proposer des solutions ou vous donner des leçons … il est là pour partager nos constatations, idées, et vise à nous interroger sur nos pratiques. Plus que jamais l’urgence est dans le long terme et pour résoudre ce point nous devons partager nos idées et angles de vues. Notre environnement est en plein chamboulement, un chamboulement accéléré par la crise sanitaire en cours. Prenez donc ce travail comme un élément de réflexion, merci.

Pour qu’un collaborateur soit épanoui, il faut que sa mission au sein de l’enseigne, au sein du point de vente, corresponde à ses attentes. Elle doit lui permette de se réaliser, en correspondant à ses valeurs et qu’elle lui propose un plaisir tous les jours renouvelé même si bien sûr on sait que certaines tâches ingrates seront à exécuter. Des équipes motivées soulèveront des montagnes, feront revenir des clients même s’ils n’ont pas besoin d’acheter à priori, alors que les équipes démotivées tueront tous les investissements techniques et marketing que l’enseigne aura pu faire. Ce qui est vrai pour le collaborateur est également vrai pour le client. Client et collaborateur, même combat !

Pour cela, une seule solution, être clair sur la proposition de l’enseigne et plus particulièrement du point de vente. C’est indispensable pour les équipes mais c’est également indispensable pour les choix technologiques, et c’est pour cela que je vous en parle.  

Je vais vous proposer une approche peut-être un peu simpliste mais qui doit poser les bases. Aujourd’hui, en ces temps troublés, où les propositions se bousculent, je crois qu’il faut revenir à des choses basiques et oublier les raccourcis marketing qui nous polluent tous et surtout qui représentent un risque lorsqu’ils sont pris au pied de la lettre.

Je ne crois pas qu’il faille positionner le client au centre. Le client n’est pas plus important que le vendeur ou le produit.  En revanche il faut clairement l’intégrer dans la chaîne de valeur, le rendre actif, et répondre à ses attentes. Aujourd’hui elles sont de quatre types :

  • Je connais le produit que je veux, je veux pouvoir l’avoir le plus rapidement possible dans mon frigo, ou dans ma penderie ( ce ne sera probablement pas le même 😉), par exemple. Dans ce cas nous sommes clairement dans une situation de distribution. Le point physique sera alors un magasin, une zone de magasinage. En d’autres termes un entrepôt dans lequel les clients peuvent entrer et les vendeurs seront d’abord objectivés sur le bon remplissage des rayonnages ou le service transactionnel le plus rapide, par exemple l’encaissement. Dans ce cas, quand je rentrerai dans le magasin le vendeur me tournera le dos car il sera en train de faire de la mise en rayon ou il sera occupé à opérer des services transactionnels comme la caisse.
  • J’ai un problème à résoudre et je cherche quelqu’un pour me proposer des solutions. Dans ce cas-là le client cherche une solution à un problème, il a besoin d’échanger, d’écouter et de faire confiance à son interlocuteur qui lui proposera alors différents produits associés à la solution proposée. Nous sommes là clairement dans un commerce, une zone d’échange sociale, et le vendeur, lorsque je rentrerai dans le point de vente, viendra à ma rencontre : « comment puis-je vous aider ? »
  • Je veux des produits de cette marque car je les apprécie. Dans ce cas de figure, je vais clairement dans un point de vente fabricant ou producteur. Les vendeurs seront donc d’abord des passionnés qui portent la marque et qui auront également comme mission de remonter les informations clients aux équipes de conception.  Elles participeront au pilotage du réassort ou à la détection de tendances ou d’anomalies produits, par exemple. Nous sommes là clairement dans un showroom, le vendeur est à côté du client pour vivre l’expérience produit avec lui.
  • Enfin quatrième cas, le client veut découvrir des marques, découvrir de nouveaux produits sans avoir une attente spécifique. Il veut juste être surpris.  Il va aller consulter un média, une galerie marchande par exemple, dans lequel il rencontrera des marques. Dans ce modèle, les clients sont les marques, le consommateur est un visiteur, et les vendeurs sont là pour accueillir les visiteurs et les guider vers les différentes marques et donc clients.

Nous voyons là donc 4 business models totalement différents. Dans le premier cas on est sur un business de flux de produits. C’est un métier d’ingénieurs et d’opérateurs. Dans le deuxième cas on est sur un métier de conseils, d’écoute, d’empathie, de curiosité, de connaissances.  C’est une situation de commerce, on veut donc y trouver des vrais commerçants. Dans le troisième cas, on sera dans un showroom où on peut voir la marque, vivre la marque, dans ce cas-là le vendeur est un relai avec les équipes produits. Et enfin dans le dernier cas nous  serons sur un business model où l’objectif sera d’attirer des visiteurs pour des clients que sont les marques.  Pour cela on mettra en œuvre une animation et probablement des services transverses pour faire venir les visiteurs, le client est le produit 😉. Services qui seront source de revenus pour le média, et faciliteront l’activité des clients. Le vendeur sera un animateur.

Quatre attentes clients, quatre attitudes vendeurs, quatre business models, et donc quatre systèmes d’informations différents

Le défi pourrait donc être très simple, tel que décrit. Mais dans la vraie vie c’est un petit peu plus compliqué.

Si il est courant pour une enseigne d’être clair, de communiquer sur sa mission, son business model lui n’est pas forcément assumé et présenté en tant que tel et c’est bien dommage…

Le vendeur ne peut pas être à la fois en priorité face aux clients, en priorité face aux rayons, en priorité à l’entrée et en priorité à côté du client et pourtant le client peut être demandeur sur chacun des postes.

L’enseigne doit donc être excellente sur son cœur business et au niveau du marché pour le reste. Si le client a compris le core business de l’entreprise, qu’il n’y a donc pas de mal entendu lors de sa visite en point de vente, il ne sera pas déçu si effectivement un service n’est pas au top car pas dans le core business de l’enseigne. Et naturellement ça enlèvera un stress au collaborateur point de vente.

Le client doit donc avoir compris qu’il est dans une galerie, un magasin, un commerce ou un showroom…

et ainsi avoir un niveau d’attente adapté.

Maitriser et exposer sa principale proposition est essentielle pour ses clients et employés mais dans de nombreux cas il sera important de bien travailler le mix avec les trois autres activités. Je suis convaincu que la performance d’une enseigne sera la force de son core business mais également la maitrise du mixte, mixte pouvant varier en fonction du canal digital ou physique. 

Pour prendre un exemple concret, aujourd’hui le métier de la distribution donc du flux produits est totalement antagoniste et à l’activité de commerce où on doit d’abord écouter le client. Beaucoup d’entreprises ont mélangé ces deux activités ce qui a pour résultat qu’elles ne sont ni bonnes sur l’un ni bonnes sur l’autre. Aujourd’hui il est urgent de séparer ces deux activités, d’avoir des équipes dédiées pour chacune d’entre elles, et pour autant, de les rendre parfaitement interopérables sur l’ensemble des points d’interactions clients et collaborateurs. Il faut bien comprendre ce point : il est clair qu’un client qui se rend chez un distributeur n’attendra pas de lui les conseils élaborés mais la qualité sur la livraison, en revanche chez un commerçant les produits pourront avoir un petit peu de retard le commerçant sera toujours là pour pallier la chose, probablement en proposant d’ailleurs un produit de qualité supérieure au même prix ; c’est ça le commerce ! Si on veut parler logistique, un distributeur fera partir un camion presque vide parce qu’il y a un engagement un commerçant attendra de le remplir. Ce sont juste des basiques mais c’est fondamental.

Nous pourrions faire ce même exercice sur les marques fabricants/producteurs ou les médias.

Ce qui est vrai pour vos collaborateurs est vrai, bien sûr, pour le système d’information. Si vos collaborateurs ne savent se positionner sur le point de vente, nous ne pourrons vous répondre sur les choix technos.

Pour revenir à vos collaborateurs, un des enjeux principaux pour les entreprises est d’avoir des équipes motivées pour qu’elles se forment au fil du temps, qu’elles incarnent au maximum la marque et qu’elles soient capable d’initiatives. Bref aujourd’hui le rêve de toute entreprise est d’avoir des collaborateurs curieux et entrepreneurs dans le respect des invariants de l’enseigne.

Si nous reprenons les quatre types de points de vente :

Dans une zone showroom, les vendeurs sont quelque part des fans de la marque, et on admet qu’ils aient une certaine mauvaise foi. Il faut ici des personnalités qui aiment le produit, qui aiment la marque.

Dans une zone de magasinage donc un point de distribution, il faut que les collaborateurs soient motivés par l’exécution. Avec la montée en puissance des robots on aura besoin toujours de personnes pour former et encadrer les automates et imaginer des nouvelles manières de faire.

Sur les zones de commerce il faudra des collaborateurs entrepreneurs de la relation clients. Des collaborateurs qui n’hésitent pas à s’engager face aux clients en connaissant leur sujet et en leur faisant des propositions qui renforceront la confiance des clients.

Et enfin dans les galeries marchandes il faudra des collaborateurs qui aiment proposer des expériences aux visiteurs. Des collaborateurs entrepreneurs de la connaissance des marques pour faire rêver les visiteurs.

Pour la motivation des équipes comme pour le choix des investissements, il est nécessaire d’être extrêmement clair sur le positionnement de son enseigne et de travailler le mixte entre les quatre business models attendus par les clients. Pour résoudre ce point on peut d’ailleurs noter que certaines enseignes ont séparé les zones de commerce et de distribution parce qu’il y aura des profils de vendeurs, des types d’outils et surtout des types d’attentes clients totalement différents.

Enfin pour compléter ce survol, je voudrais vous partager quelques éléments qui me semblent nécessaires de maîtriser à l’heure de la montée en puissance de la technologie, de la data, et l’intelligence artificielle :

Une relation entre un client et un vendeur ou un service repose sur un mixte :

Transaction X Information X Emotion

Dans toutes les relations nous composons avec ces trois éléments mais le poids de chacun est différent en fonction du contexte. J’achète ma baguette quotidienne c’est juste une transaction, je n’ai pas besoin d’information, je veux juste que ça aille vite.

J’ai un invité qui est allergique au gluten, je vais acheter ma baguette mais je veux être sûr qu’elle n’en contient pas. Et enfin, j’ai prévu un super repas dimanche, aussi j’aimerais avoir un conseil sur un pain sympa pour accompagner des fruits de mer. Même situation, même interlocuteur, le boulanger, mais trois mix différents à gérer. Cette situation est courante, sur le online ou le offline, sur l’ensemble des points de contacts.

Les composantes transactionnelles et informationnelles peuvent être de plus en plus souvent portées par le digital. En d’autres termes le client en surface de vente peut de plus en plus efficacement payer ou avoir de l’information sur le produit ou sur le stock de manière autonome. Il reste donc très souvent la partie émotion, au vendeur. La partie émotion du vendeur ne sera efficace que si effectivement le vendeur est épanoui. Ce devrait être particulièrement facile pour les équipes avec un profil « commerce » qui seront d’ailleurs satisfaites d’avoir un support pour les transactions ou les demandes d’information. En revanche du fait de cette nouvelle donne, certaines qui avaient plutôt un profil distribution, focalisé sur la mise en rayon par exemple, vont devoir se transformer et aller maintenant à la rencontre du client. Pour avoir échangé avec beaucoup d’entre vous, cette transformation ne sera probablement pas simple : « mes équipes ont peur des clients ».

Autre conséquence de l’évolution de ce mixte, le rôle de « confiance » porté par les équipes va également être étroitement lié au taux de rotation de celles-ci …   En point de vente un parcours personnalisé commence par le fait de reconnaitre et d’être reconnu par les équipes.

Si on souhaite montrer à ses équipes qu’on leur fait confiance pour être des entrepreneurs de la relation client, alors je crois qu’il faut leur donner une adresse email, peut-être un 06 et surtout une belle carte de visite.

Tous ces éléments concernant le point de vente sont nécessaires pour la mise œuvre d’une stratégie, non pas « customer centric » mais « customer obsessed » qui se caractérise par :

  • Une plus grande réactivité face au client, et ne pas chercher à le recruter et le suivre à tout prix.
  • Avoir une information qualifiée et notamment contextuelle et pas une montagne de données.
  • Ne pas se laisser contraindre par l’organisation et donc casser les silos
  • Donner la main au client et non pas essayer de le diriger : VRM vs CRM.
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