L’intelligence artificielle, et plus précisément l’IA générative*, semble ouvrir des perspectives infinies. Pourtant, avant de plonger tête baissée dans cette révolution, il est essentiel de se poser les bonnes questions. Quelles sont les limites cachées derrière l’illusion de cette avancée technologique ? Qu’est-ce que l’IA nous fait perdre tout en nous promettant tant ?
Voici quelques questions qui bercent mon questionnement vers un avenir porté par une externalisation de plus en plus forte de nos fonctions cognitives.
L’origine de la donnée : Dans quel cadre évolue-t-on ?
La première question fondamentale à soulever concerne la provenance des données utilisées pour entraîner ces IA. Derrière chaque réponse générée, chaque suggestion, se cachent des valeurs, des référents, un espace bien défini. Mais cet espace, est-il en adéquation avec nos principes, nos visions du monde ? Si l’IA s’alimente de données provenant de contextes biaisés ou partiels, comment pouvons-nous avoir confiance dans les informations qu’elle génère ? Cela soulève la problématique de l’éthique de la donnée, un sujet souvent effleuré mais rarement approfondi.
Le surtraitement de l’information : Une menace à la confiance ?
La surutilisation et le surtraitement de l’information sont des risques majeurs associés à l’IA. Nous assistons déjà à un phénomène où l’information génère de l’information, créant ainsi une boucle où la donnée se recycle et se déforme. À terme, cela érode la confiance : comment distinguer l’original du synthétique, le réel du construit ? L’IA, bien qu’incroyablement puissante, nous place face à un paradoxe : elle peut renforcer notre compréhension du monde tout en nous éloignant de la vérité. Le risque est que la donnée, une fois transformée à l’infini, perde sa signification première, diluée dans un océan de bruit algorithmique.
Tacite vs explicite : La disparition de la connaissance tacite ?
La connaissance tacite, ce savoir-faire que l’on ne peut pas formaliser, est une part essentielle de notre humanité. C’est ce qui nous permet de comprendre, d’agir, sans pour autant être capables d’expliquer tous les détails de notre processus de pensée. L’IA, elle, se nourrit d’une connaissance explicite, codée et formalisée. Le danger est qu’en nous reposant trop sur elle, nous finissions par sacrifier notre capacité à apprendre de manière intuitive, par l’expérience directe. En privilégiant une connaissance explicite, nous risquons de perdre ce qui fait notre singularité.
En effet, l’humanité progresse en héritant de biais inconscients qui façonnent notre vision du monde. Ces biais, bien qu’imparfaits, sont le fruit d’expériences réelles, ancrées dans le vivant. À l’inverse, les biais des IA sont issus d’algorithmes, d’une logique purement mathématique. L’enjeu est donc de préserver cet équilibre délicat entre l’explicite et le tacite. Que deviendra notre singularité si nous nous abandonnons entièrement à une IA qui ne connaît ni le doute, ni l’intuition ?
L’incarnation de la cognition : Une lacune des modèles de langage ?
Les LLM (Modèles de Langage de Grande Taille) comme GPT représentent un bond en avant, mais ils restent fondamentalement désincarnés. La cognition humaine est intimement liée à notre expérience du monde physique et sensoriel. Nous interprétons chaque interaction à travers le prisme de nos émotions, de nos sens, de nos expériences passées. Or, ces modèles d’IA sont privés de cette profondeur. Ils génèrent des réponses sans jamais comprendre réellement le contexte qui les entoure. Cette absence d’incarnation pose des limites évidentes. Une IA, aussi performante soit-elle, ne pourra jamais pleinement saisir l’essence des interactions humaines.
Vers une IA personnelle et conversationnelle : L’avenir sera-t-il décentralisé ?
Un des défis cruciaux est la centralisation de l’IA. Si les grandes entreprises technologiques continuent de monopoliser ces technologies, nous risquons de perdre notre liberté cognitive au profit de systèmes centralisés. L’IA de demain devra être personnelle, décentralisée et surtout conversationnelle. Il est fort probable que la véritable innovation viendra de l’open source, permettant à chacun de construire et de personnaliser son IA en fonction de ses propres besoins et valeurs. Une dynamique qui s’inscrit dans l’univers topologique qui émerge.
Une révolution cognitive ou un frein à l’innovation ?
Nous vivons à une époque où la technologie s’est intégrée dans toutes les sphères de notre vie. Chaque individu, chaque entreprise devient une plateforme cognitive, absorbant et produisant des données. Cependant, en déléguant nos fonctions cognitives à l’IA, nous devons nous demander si nous ne risquons pas d’appauvrir notre créativité. La croissance exponentielle promise par la technologie est-elle vraiment un progrès si elle nous rend dépendants d’un système centralisé de génération de connaissances ?
Conclusion : L’IA, un levier pour préserver notre humanité ?
L’IA et particulièrement l’IA Générative, a un potentiel immense, mais il nous appartient de définir son rôle. Plutôt que de nous y abandonner entièrement, nous devons l’utiliser comme un outil pour renforcer notre humanité. L’IA ne doit pas être vue comme un substitut à notre cognition, mais comme un complément. C’est en gardant le contrôle sur les données, en préservant notre capacité à apprendre par l’expérience, et en veillant à ce que l’IA reste décentralisée que nous pourrons en faire un véritable allié. Dans ce monde en perpétuelle mutation, l’enjeu est de taille : réussir à intégrer l’IA sans perdre ce qui fait notre singularité.