Les présentations et discussions sur le magasin sont trop souvent geek orientées. On oublie dans l’immense majorité des cas les deux moteurs de celui-ci, le vendeur et l’infrastructure.
J’ai déjà traité le vendeur dans un papier précédent, je vous propose maintenant de nous focaliser sur l’infrastructure et donc l’architecture.
Le commerce devient numérique comme le reste de la société. Le monde repose de plus en plus sur du logiciel.
Expérience utilisateur, connectivité et trafic/flux ne représentent pas un triptyque nouveau pour le commerce car il en est la racine mais aujourd’hui ce triptyque prend une dimension digitale. La pénétration de la société Internet, oblige le commerce à se réinterroger sur ces trois piliers et à réinventer de nouveaux modèles et de nouvelles pratiques. Un objectif: reconquérir le leadership, de ce triptyque moteur de la performance généralement confisqué par les géants, les purs players de l’Internet.
- Expérience: Il faut que le consommateur prenne du plaisir à venir
- Connectivité: Il faut qu’il interagisse avec les marques
- Trafic/Flux: il faut que les consommateurs soient nombreux
Remarque: l’achat pourra se faire sur place ou sur Internet mais il devra être lié à la visite. Voir mes autres papiers sur ce point. Ce n’est pas l’objet de ce papier, qui est plus orienté efficacité magasin et surtout ensemble commercial.
Le magasin spécial Geek peut avoir du sens d’un point de vue communication. Cependant il ne faut pas qu’il brouille la communication. De plus il y a un certain embouteillage sur le sujet et la lassitude voir la déception est souvent au rendez-vous. Générer un « wouaa effect » est de moins en moins simple quand la société absorbe vite l’innovation.
Texte:
Les centres villes, centres commerciaux, sont au cœur de ce défi. En effet ils accueillent les enseignes. Ils doivent proposer un flux, des interactions consommateurs et une expérience remarquable à leurs clients et donc indirectement au consommateur. Pour cela Ils s’appuient sur une plate-forme financière et plate-forme physique, le bâtiment, et progressivement mais surement doivent proposer une plateforme numérique. Cette plate-forme représente une infrastructure sur laquelle les marques pourront valoriser leurs propres initiatives et sur laquelle la communauté associée au centre pourra se développer dans une dimension digitale.
Dans une société de plus en plus fragmentée, chacun se croyant au centre du monde avec ses habitudes, usages numériques, amis qui apparaissent et disparaissent à la vitesse d’Internet, les foncières commerciales se doivent d’investir l’architecture du système d’information pour supporter les nouvelles attentes du commerce connecté. Aujourd’hui les foncières maitrisent l’architecture financière, l’architecture des bâtiments, elles se doivent maintenant de développer un savoir-faire en matière d’architecture numérique pour supporter l’infrastructure du magasin de demain.
Le magasin de demain restera orienté geek uniquement sans véritable ROI tant que l’infrastructure, technique et organisationnelle ne reposera pas sur une plate-forme capable tout en restant prévisible d’améliorer l’agilité pour recevoir des nouvelles technologies, des nouveaux usages, de nouvelles chaines de valeurs au fil de l’eau. Une plate-forme maitrisée permet de proposer un mix « industriel » par exemple 80% prévisible pour le coût, la qualité, la sécurité, la vitesse de mise en œuvre, 15% agile pour réagir vite en respectant la prévisibilité et 5% innovante. Cette plate-forme devra naturellement être accompagnée d’un écosystème actif et innovant. Cette approche se situe entre le sur mesure et le full packagé. On a par exemple la même approche dans le bâtiment avec des murs porteurs, des cloisons flottantes, des contraintes de sécurité, …
En investissant sur une infrastructure digitale, les centre commerciaux doivent pouvoir reprendre la main sur l’expérience utilisateur, la connectivité et le flux par rapport notamment aux acteurs 100% Internet. Le développement d’une plate-forme numérique aura un impact sur la contractualisation des baux. Je suis convaincu que les marques, hébergées par les centres commerciaux, joueront le jeu si elles ne veulent pas rester à la porte de révolutions en cours.
Illustration:
La recherche d’un produit génère du flux
Sur Internet on a le choix soit de passer d’un site à l’autre, soit d’aller sur des sites de comparaisons de produits, soit enfin d’aller sur un moteur de recherche généraliste. Pourquoi finalement le plus souvent instinctivement on cherche sur un moteur généraliste? C’est probablement parce que l’on a un point d’entrée très connu et que globalement on a une vue exhaustive même si elle n’est pas toujours simple à décrypter. Une solution intermédiaire est représentée par Amazon car les données sont triées, commentaires bien organisés et l’offre est large grâce à la market place. De plus nous sommes reconnus si on l’a demandé ce qui n’est pas négligeable dans l’expérience utilisateur. Tout cela est très bien mais je ne peux ni toucher le produit, ni le prendre de suite, ni avoir un rapport émotionnel interpersonnel.
Maintenant imaginez:
Imaginez que je possède une carte de fidélité de mon centre commercial. Une carte que je pilote moi-même. Que je puisse y enregistrer mes cartes de fidélités des marques, que je puisse mettre mon historique d’achat dans le centre, que je puisse y stocker des infos comme mes derniers achats, mes tailles, que je puisse y mettre des rappels sur les anniversaires, que je puisse y mettre des alertes sur des produits ou prix … bref un vrai pilotage de ma relation avec délégation si nécessaire sur des magasins qui me sont importants. Je donne l’autorisation à certaines boutiques de voir ce que j’ai déjà acheté comme textile ou BD. Mais encore une fois c’est moi qui pilote, et qui partage avec qui je veux celles-ci, les données, et notamment mes amis qui ont les même habitudes que moi dans le centre.
Si de plus l’ensemble des enseignes présentes exposent leur catalogue produits, prix et dispo sur la plate-forme du centre commercial que je fréquente. Alors où croyez-vous que j’irai chercher lorsque je chercherai un produit? Ou croyez-vous que je partagerai un coup de cœur avec mes amis habitués du centre ?Cette approche doit permettre aux centres commerciaux de reprendre la main sur les géants du search et du partage.
Il y a dans cet exemple deux nouveaux patterns à intégrer:
- Le client reprend la main sur ses données
- Les marques doivent ouvrir leur catalogue, prix et dispo dans un contexte maitrisé
Imaginez
un écran géant, mur digital, sur lequel les clients comme les vendeurs pourraient écrire, partager des photos, des textes. Ils le font peut-être déjà dans les réseaux sociaux génériques, pourquoi ne le feraient-ils pas dans le réseau social propre au centre. Les consommateurs seraient identifiés par leur carte de « membre » avant de pouvoir écrire. Et les vendeurs seraient autorisés et encouragés à s’afficher pour représenter leurs enseignes par des messages personnels (non validés par le marketing central de la marque).
Les vendeurs pourraient également acheter aux enchères des espaces de communications digitales, digital signage, avec des contenus hyper personnalisés: « dehors il pleut, pendant 20 mins remise de 20% sur les parapluies! ». Ces écrans pourraient également combler dynamiquement la perte de visibilité que les marques ont quand elles livrent directement le client à sa voiture…
Trois patterns à intégrer:
- Quand le client parle de vous, il vaut mieux qu’il le fasse chez vous, que ce soit positif ou pas.
- Les vendeurs doivent pouvoir utiliser leur « dimension numérique » pour continuer la conversation avec les clients sur la place publique.
- L’environnement doit être dynamiquement reconfigurable, sans un processus marketing complexe, pour rétablir des équilibres ou donner une respiration.
On pourrait continuer les exemples et je vous encourage à les imaginer, car ces nouveaux patterns ou nouvelles pratiques vont être intégrés avec le temps du fait d’une meilleure perception de la valeur de la donnée par le citoyen et par les entreprises.
J’espère que vous avez noté que si des communautés reprennent la main sur les données, ici une communauté associée à un lieu, le centre commercial, ce sera autant de revenu qui n’ira plus chez leurs principaux concurrents notamment les moteurs de recherches ou les réseaux sociaux génériques.
Au-delà du commerce mais de plus en plus lié à celui-ci, cette architecture portera l’intégration avec l’activité locale et cela notamment en matière de transport et énergie.
Transport: livraison intégrée sur des hub de centre-ville par exemple pour des centres commerciaux excentrés. Pilotage des flux lors de l’entrée dans le parking en fonction de l’actualité ou le moment.
Energie: participation à des initiatives Smart Grid, ou recharge de véhicules en fonction de ses achats.
La monétique: avec les problématiques de recyclage du cash, de paiements dématérialisés, ou de couponing ambitieux.
Le centre commercial se doit d’avoir une infrastructure numérique intégrée et non pas une multitude de solutions en silos, pour être plus agile tout en restant prévisible. Cette infrastructure doit lui permettre d’aller efficacement à la rencontre des activités locales ou à la rencontre des commerçants. Ainsi il pourra reprendre la main sur la donnée. Les technologies à surveiller: Lister les sujets
Cette infrastructure sera la clé et la cible sera le ROC … Return On Community…
Conclusion:
Les centres commerciaux se sont bâtis sur le triptyque: expérience client, interaction, et trafic. Ce triptyque est également, aujourd’hui, au cœur du succès des leaders de l’Internet avec l’explosion du nombre des devices et des services portés par Internet.
Aujourd’hui les foncières se doivent de reprendre la main sur ce triptyque grâce à une approche hybride online/offline.
Pour cela elles vont devoir travailler de nouveaux patterns et nouvelles pratiques notamment parce que nous avons basculé de la société du push à la société du pull, la société de l’engagement de l’individu, pour le client comme pour l’employé.
De plus elles devront gagner en agilité et en innovation tout en restant prévisibles… Elles se doivent donc de développer un solide savoir-faire en matière d’architecture système d’information, comme elles savent déjà le faire en matière d’architecture financière ou d’architecture bâtiments. Et ce savoir-faire en matière de financement et en matière de construction sont probablement des atouts pour penser Architecture de Système d’information.
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Cette prise de conscience est déjà faite dans la population… ce sont les cadres dirigeants qui sont trop frileux pour la mise en oeuvre… et pourtant