Quelques questions pour une bascule probablement inéluctable dans le retail
Introduction
Nous Basculons d’une société linéaire, stable où le consommateur était homogène, passif, où les frontières s’effaçaient, où les ressources semblaient infinies et où l’objectif était de déverser toujours plus de produits au prix le plus bas possible.
Ce fut très efficace et globalement cela a permis un développement formidable surtout des pays occidentaux. Mais c’est terminé. Le monde se fragmente, la planète s’essouffle, le digital accélère et surtout il a donné le pouvoir au consommateur qui ne manque pas de l’exercer. Les chocs s’enchainent, nos habitudes et croyances sont bousculées.
Bienvenue dans un monde où les chaines de valeurs se créent et disparaissent à la vitesse des changements de l’environnement technologique, environnemental et social. Un monde de plates-formes, où la performance est moins dans la planification, les process et les contrats mais plus dans la proximité, la confiance et l’initiative. Une proximité, physique et digitale, construite sur une compréhension des valeurs/secteurs, une compréhension du modèle économique et une parfaite exécution exposée par des interfaces ouvertes.
D’une économie d’échelle à une économie de réseaux, c’est maintenant probablement votre tour.
La marge sera le résultat de la richesse de votre écosystème et donc de vos proximités.
Nous basculons d’une société poussée à une société tirée.
Dans un monde fragmenté, vendre coute trop cher, il faut faire acheter.
La data, par sa capacité de stocker, d’échanger et d’amplifier, représente un formidable levier de résilience et de performance. La data vascularise nos sociétés. La Data nous a fait passer d’une société « euclidienne » qui reposait sur les distances métriques à une société « topologique » qui repose, par la fusion du physique et du digital, sur des distances par points d’intérêts. La quatrième révolution industrielle s’inscrit donc en opposition totale avec les trois premières révolutions, un air de société préindustrielle…
Dans un objectif de toujours plus de performance pour inonder le monde de produits de tous types, des « anomalies » au regard de l’histoire, se sont induites dans nos reflexes et habitudes : anonymat, standardisation, sécurité, hiérarchie, séparation vie personnelle vie professionnelle, consommation de produits plus que de l’usage( ?), exploitation de notre humanité, disparition des distances physiques ou politiques, …
Enfin, il y a un enjeu fort à mettre fin à l’exploitation de données personnelles, une exploitation qui représente une vraie violence pour nos sociétés.
L’objectif de cette réflexion, brièvement introduite, n’est pas de repartir avec des solutions mais avec des questions. En effet, nous devons sortir de nos zones de conforts et reflexes issus de la société industrielle bâtie sur l’énergie massivement carbonée pour appréhender la société de proximités.
Pour être expert en solution, il faut être expert en problème. Encore faut-il identifier le problème …
Propositions
Je vous propose donc de réfléchir sur différents sujets dans un mode où « on retourne la table ». J’ai extrait six dimensions qui représentent les activités du retail et j’y présente des transformations possibles. Naturellement cette réflexion devra tenir compte du fait que les trois dimensions qui forgent notre nouvel environnement sont : la technologie, l’énergie et globalement les enjeux ESG, et bien sûr notre humanité.
Commerce, client et marketing
- Commerce: de la vente au partenariat – de la transaction rapide ou l’association ?
- Client: de client à investisseur – le consommateur considéré comme un investisseur ?
- marketing: du CRM au BrandRelationshipManagment (ou VendorRelationshipMamagment) – et si le consommateur était le pilote de la relation ?
Résumé : les trois premières révolutions industrielles ont à la fois :
- Encouragé le consommateur à toujours plus consommer
- Renforcé un commerce de distribution plus que d’accompagnement
- Acheté, segmenté, piloté et globalement exploité un client pour en tirer toujours plus de valeur parfois juste le temps d’une opération. Aujourd’hui il a pris la main et par ses choix il construit la société encore plus que les politiques.
Ne serait-il le temps d’inverser le modèle et de donner la main au consommateur afin qu’il pilote ses investissements, la manière dont il souhaite échanger les marques et la proximité qu’il souhaite leur confier.
Équipiers et management
- Equipiers : Tous entrepreneurs !? – encourager l’initiative ?
- Management: Leadership bottom up et graphes sociaux? – identifier les pépites pouvant être masquées par l’organisation ?
- Le retour des cartes de visites ? – Marquer sa confiance, en faire des entrepreneurs ?
- Intégration avec le local online/offline ? – Libérer la dimension digitale de vos équipiers terrains et vice-versa?
- Engagement par la production ? – partager l’ambition, construire avec les équipes ?
Résumé : Les trois premières révolutions industrielles, pour optimiser le flux produits produit ?, nous ont amené à construire des plans, des process et un management qui ne laissait peu de place à l’inconnu grâce à un encadrement par le contrôle et l’efficacité immédiate. Dans une économie en graphes/réseaux on va chercher pour performer les initiatives. Elles permettront de créer de nouvelles chaines de valeurs. On cherchera également la confiance, et donc la proximité pour gagner en vitesse et en résilience. L’activation et la lecture des graphes d’échanges (graphes sociaux) deviennent critiques pour suivre l’évolution organique de la plateforme dans son écosystème. La libération d’une grande partie des tâches transactionnelles et informationnelles libère (répétition du mot) de l’espace pour la créativité et l’émotion. La maitrise des fondamentaux/invariants et la confiance partagée sont critiques dans la capacité de chaque équipier à prendre des initiatives. Et ces initiatives renforcent son engagement personnel et la performance de la plate-forme dans son écosystème.
Le produit
- Produit: il a une vie et donc un prix – repenser la valeur par l’usage ?
- Passeport et usage – comment tracer un produit ?
- Produit devient un lien plus qu’une transaction unitaire – proposer un usage plus qu’un produit ?
- Revival engine – Sans passeport, pas futur ?
- Prix: marqueur d’une transaction ou d’une relation – abonnement ?
- Les nouveaux modèles de revenus – services ajoutés et déduits ?
Résumé : Trois premières révolutions industrielles, toujours plus de produits, toujours moins d’usage, du jetable qui ne tient pas compte des externalités. De la matière première à la poubelle, dans le meilleur des cas, une vie anonyme en ligne droite. On produit un produit générique en volume et nous essayerons de le vendre. Et si le produit avait une vie, une vie par rapport à un besoin, une vie faite de multiples propriétaires et de multiples incidents ? Une vie avec une identité, une vie précieuse comme on pouvait la connaitre avant l’avalanche de la société industrielle. Autrefois nous achetions un produit parce que c’était un bon investissement, puis nous sommes passés à l’achat car c’est une « affaire » en terme de prix, et si maintenant nous achetions un usage pour gagner en agilité grâce à un investissement de confiance dans une enseigne?
La distribution, le transport et la mobilité
- De l’unité au flux, automatisation et optimisation – comment optimiser le transport et réduire son impact ?
- Du poussé au tiré, pilotage par le client – Comment rendre le client partie prenante ?
- La SmartCity, intégration/capitalisation sur les autres flux – quelles sont vos proximités ?
- Place de l’humain dans la distribution ? – Ne devrions-nous pas céder la place ?
- Lien entre distribution et pression foncière ? – quid des m2 de la cuisine, aux darkstores et darkitchen par exemple ?
- Fin de la mondialisation « Plate » explosion d’une hyper fragmentation – Comment suivre et prendre des arbitrages dans les évolutions des flux : produits, informations et valeurs ?
- Externalité et pression d’efficacité ? – clients, concurrents, … ses meilleurs alliés ?
Résumé : La distribution a beaucoup travaillé à sa planification et ses process pour optimiser des flux linéaires et stables vers un consommateur homogène et un sourcing prévisible. Un modèle qui ne tenait pas cas des externalités. Aujourd’hui les temps ont changé, nous sommes dans un monde fragmenté, sujet à des chocs majeurs. La distribution a également participé au développement du tissu urbain notamment en sortie des 30 glorieuses et aujourd’hui nous assistons à un retournement. On demande à la distribution, et bien sûr aux sous-jacents transport et mobilité, d’être prévisible(s) et agile(s), une injonction contradictoire qui ne pourra être résolue que par un pilotage temps réel avec l’écosystème et cela dans le contrôle de l’impact et des coûts. La technologie et la data seront la clé de la recherche d’ambition dans ce nouveau contexte.
Les infrastructures et externalités
- Fusion du Online/Offline – Nous y sommes, y êtes-vous ?
- Engagement des écosystèmes – Vos proximités sont-elles suffisamment diversifiées et solides ?
- Gestion des ressources – Pilotage, simulation, supervision, sécurité, tous les objets sont concernés. Y avez-vous associé vos proximités ?
- Agilité des infrastructures physiques – donner l’agilité du digital à vos infrastructures physiques
- Metavers B2B et B2C – une famille c’est du B2C ou du B2B ?
- Communauté et recherche de sens – diversité des écosystèmes
- Suivi et taxation en fonction du profil, porter la vie privée, l’intégrer dans les échanges – Des nouveaux modes de régulations devraient apparaitre, comment s’y préparer
- Style de vie / Production locale, transformation à la demande – une dynamique bonne pour la planète.
Résumé : Les bâtiments, surfaces commerciales, sont de plus en plus pilotables pour la sécurité, la gestion de l’énergie, l’efficacité commerciale, … En parallèle, les consommateurs veulent une proximité digitale avec les acteurs proches physiquement. Il s’agit d’une vraie fusion online/offline. Rentabiliser l’espace en le rendant mieux intégré à sa proximité digitale et sa proximité physique passe par un pilotage au plus juste par les employés, les partenaires et les clients … notamment s’il devient producteur d’énergie ou propose des transports / livraisons.
TOUTES des Science & Tech Compagnies ?
- DSI = DG? – chez vos concurrents c’est parfois déjà le cas.
- Rythme : du discret aux flux, always on – un nouveau mode de gestion de projets
- API, Common Data Model, pilotage de la data notamment pour maitriser l’impact environnemental et les risques sociaux – critique dans un monde où les chaines de valeur sont en recomposition permanente
- Capitalisation et vente du savoir-faire par la digitalisation – un nouveau modèle économique
- Compenser les croquettes de carbone par les croquettes de data autant que possible
- Investir sur l’essentiel, ne pas réinventer la roue pour le reste
- Gérer ses dépendances
- On marge sur le produit, ou sur le logiciel qui a calculé l’assortiment et le prix du produit ?
- Eviter de former les algorithmes de ses principaux concurrents … des résultats rapides mais un avenir difficile…
Résumé : Notre société devient numérique. La data vascularise nos sociétés et amplifie nos fonctions cognitives, « le logiciel mange le monde » Marc Andreessen. Afin de ne pas se réveiller avec la gueule de bois mais d’en faire un atout pour nos défis et accessoirement notre survie, il est important de s’approprier le sujet, d’en comprendre les enjeux et responsabilités. Transformation digitale, une expression qui a piégé de nombreuses entreprises qui se sont arrêtées sur la peinture digitale des murs alors que ce sont les fondations qui sont à reconsidérer. La technologie est un sujet pour CEO aujourd’hui : sécurité, responsabilité, risque de fuite de savoir-faire, dépendances parfois avec son concurrent, nouvelles sources de revenus…
Il ne s’agit là que d’un extrait d’une réflexion plus large. Ces premiers éléments doivent cependant déjà pouvoir animer une belle discussion.
Comme d’habitude, ma seule prétention est de vous partager quelques idées et naturellement je serai(s) preneur de vos commentaires.
Merci pour votre confiance.