Résumé:
Quand on montre un objet, il y a ceux qui regardent la main et ceux qui regardent la direction. Mon sentiment est qu’aujourd’hui on passe beaucoup trop de temps et d’investissements à essayer d’utiliser les technologies pour prolonger les modèles actuels de la distribution, alors que l’on devrait travailler à les réinventer par le logiciel. La société qui se présente sera bâtie sur le logiciel avant de l’être sur des modèles liés au « physique ».
Nous basculons de la société industrielle à la société digitale, il s’agit d’une révolution et non d’une simple évolution pour toute la société.*
Qui croit que le commerce à l’ère digitale reposera sur les mêmes modèles, qu’à l’ère industrielle? Modèles qui avaient déjà énormément évolué de « la boutique au coin de la rue » à la grande surface notamment par l’anonymisation du client et l’aliénation de celui-ci au profit des marques. L’animal social qui est en nous a quelque peu était soustrait du commerce de masse alors qu’à l’origine le commerce s’est bâti sur des relations sociales.
Je suis toujours surpris par tous les discours, présentations, théories sur les parcours client, la digitalisation du point de vente, l’engagement client, le cross canal, … qui globalement essayent d’adapter le digital (je dis bien adapter) à des modèles qui ont été définis par la société industrielle, la société du marketing de masse. Bien sûr je suis provocateur en disant cela. Tout ne peut pas changer du jour au lendemain. Les consommateurs ne sont pas homogènes entre eux. Il est toujours difficile d’introduire la rupture et les organisations préfèrent reproduire les modèles qu’elles connaissent. Mais il est un fait, le temps et l’argent investi dans ce prolongement du passé ne l’est pas pour créer le futur.
Aujourd’hui il est selon moi important d’avoir à l’esprit ce point pour investir en conscience, et peut-être se lancer avant les autres dans la fameuse destruction créative. Les enjeux sont là. Nous sommes en cours de bascule de la société industrielle à la société digitale, nous basculons de la société du push à la société du pull, nous devons donc repenser les modèles à partir du digital.
Il est nécessaire de créer de nouveaux modèles … des modèles qui correspondent à cette nouvelle société, la société digitale.
Exemple sur quatre sujets:
Le parcours client: dans la société industrielle, physique, il était important de bien « deviner » le meilleur parcours client, car il y avait un parcours « physique » associé. Pour rentrer dans un magasin, il fallait passer par la porte et pour payer il fallait passer par la ligne de caisses. Aujourd’hui, on achète sur le PC à la maison, on retire en magasin, en magasin on commande sur son smartphone et on se fait livrer, … De plus avec Windows 8 on peut être accueilli directement dans un rayon sans passer par la porte d’entrée, un incontournable de l’ère « physique », ou consommer des services du magasin sans être dans le magasin… détails (avant les Apps Windows 8 on pouvait entrer directement dans un rayon principalement par un moteur de recherche, le plus grand concurrent de la marque. Amusant non?)
Essayer de prévoir le parcours est vain. Il faut surtout valider que chaque étape soit disponible, avec le bon investissement en fonction de la stratégie de la marque et que naturellement toutes ses étapes soient interopérables pour que les parcours apparaissent et disparaissent naturellement par l’usage. (On parle de « business capability map strategy »)(dans la société du pull, les frictions doivent être créatives de valeur et les étapes élémentaires (« capabilities ») sont plus importantes que les process) (document à venir sur le sujet))
La digitalisation du point de vente: Il peut toujours être amusant de mettre des points d’animation et d’information digitales mais fondamentalement ce ne doit être que la conséquence d’une stratégie choisie. Il est donc beaucoup plus intéressant de travailler l’expérience magasin dans une société digitale, que la digitalisation du point de vente en tant que tel.
Finalement un échange commercial repose sur trois composants: transaction + information + émotion dans un mixte qui est extrêmement variable en fonction de la situation. Dans la société digitale la transaction et l’information doivent être à tous moments disponibles, y compris lorsque l’on est dans les magasins. Si vous le l’avez pas encore fait, vos concurrents le font déjà. Par conséquent en surface de vente ils doivent être disponibles aux clients mais également aux vendeurs … La variable qui reste liée au point de vente est alors l’émotionnel et par chance l’humain en est probablement le meilleur vecteur.
Par conséquent, en fonction de l’enseigne, le travail portera sur l’expression du mixte en surface de vente. On en déduira les fondamentaux à mettre en œuvre, services et devices, pour une exploitation du transactionnel et de l’informationnel en contexte et enfin on imaginera les situations optimums d’échanges émotionnels entre le client et le vendeur. On en déduira alors la bonne place du digital dans le point de vente et ce sera peut-être uniquement dans la poche du client.
L’engagement client: aujourd’hui généralement quand on parle d’engagement client l’idée est: « comment peut-on contraindre le client à s’engager? ». Ce qui est parfaitement justifié dans la société du push, la société du marketing de masse. Approche qui a fait ses preuves notamment grâce aux cartes de fidélité mais qui s’essouffle car ce n’est plus un différenciant. C’est juste un must have pour la plupart des marques.
Quelle est aujourd’hui la valeur d’un engagement subi?
En fait, dans la société du pull l’initiative doit venir du client pour qu’elle ait vraiment de la valeur. Il faut donner envie au client de s’engager dans la marque, lui donner envie de donner à la marque. Pour cela la confiance est clé, une relation de confiance qui n’est pas vraiment un point fort de la société du Push, la société industrielle du marketing de masse. Les organisations (hiérarchiques, …), outils (CRM, …), les modèles ( Rigidité de l’organisation du magasin, …) ne sont pas compatibles avec un engagement choisi et piloté par le consommateur. Le principal chantier se trouve là et on en parle très peu. (voir papier)
Le cross canal: sur ce sujet on reboucle avec les précédents points. Le cross canal n’est plu une question en soit, voir même il est en cours de disparition. L’enjeu est aujourd’hui de maitriser la cartographie des activités(capability)élémentaires, de les mettre en perspective avec les cibles utilisatrices, clients et collaborateurs, notamment concernant leurs usages, et naturellement de les rendre interopérable… L’objectif est de donner la possibilité à chaque utilisateur de trouver le mixte qui lui correspond, sur le device utilisé en fonction la situation. En d’autres termes, il faut que le client le plus profitable ou tout au moins que l’on cible, soit capable de trouver de manière naturelle le parcours qui lui convient en composant avec les activités élémentaires.
Les activités élémentaires sont: regarder le catalogue, faire un achat, suivre ses commandes, avoir une réponse à une question, gérer son engagement, communiquer, partager, …
Pour rappel, le mixte de base d’une relation notamment commerciale se compose de trois éléments: Transaction, Information et Emotion.
En fonction du business modèle du distributeur certaines activités seront plus ou moins importantes et devront être plus ou moins accessibles (mobile, bornes, Web, …). Rappelons qu’Amazon est une société de CRM et une société de logistique, FNAC se focalise sur l’accompagnement client web/magasin, Cdiscount sur le prix et que Vente-privée est un média et pourtant nous les qualifions tous d’ecommerçants.
Cette cartographie est fondamentale pour maitriser ses investissements au regard de sa stratégie et ne pas suivre aveuglément les modes. Une pensée dans cette section pour les entreprises qui ont investi beaucoup d’argent dans le développement d’une version tablette, smartphone créant de plus très souvent une verrue sur le SI, verrue maitrisée par un tiers et qui est finalement très peu fréquentée et pas forcément synchro avec le reste de l’activité… mais qui permet de dire que l’on a une stratégie cross canal!! Une application sur un mobile et non une application optimisée pour la situation de mobilité.
En conclusion:
Une marque peut choisir entre deux stratégies: étendre son modèle grâce au digital ou repenser son modèle pour tirer parti d’une société basée sur le digital. Le cross canal, la digitalisation du point de vente, le parcours client, l’engagement client seront alors l’expression de ce choix, mais ne devraient pas en être son origine.
A votre disposition pour échanger sur le sujet, ce ne sont que quelques idées. Merci de votre attention.
Article passionnant qui pose les bases d’une problématique commune à de nombreux acteurs de la distribution. Existe-t’il des agences ou autres, susceptibles d’implémenter une telle réflexion?
Par avance, merci.
Bonjour,
tout d’abord toutes mes excuses mais j’avais complétement zappé votre commentaire. Milles excuses.
Existe-t’il des agences ou autres travaillant sur ce sujet? très honnêtement et pour avoir rencontré beaucoup d’acteurs je n’en connais pas. J’irai même plus loin, les sujets que j’aborde ne sont réellement jamais abordés… Ces thèmes ne sont par exemple jamais traités par l’EBG.net. Nous avons tous été formatés par 50 ans de « société industrielle qui fonctionne en mode push » . Ceux qui sont prêts à penser différemment sont rares mais ils se trouvent notamment au niveau des directions du marketing et de la stratégie des marques. J’ai monté ce blog pour partager sur cette nouvelle approche du commerce, une approche qui me semble très prometteuse et surtout qui me semble être plus adaptée à la société digitale.
Merci pour votre message.